La loi sur l’enseignement, soumise au peuple le 7 juin, inscrit la pédagogie différenciée dans la mission de l’école obligatoire. Aucun autre état, à ma connaissance, ne fait figurer une démarche d’enseignement dans ses lois. Aussi vaut-il la peine de se pencher sur ce terme de " différenciation " avant que les inconditionnels du oui ou du non le réduisent à un slogan vide de sens.
Pour illustrer ce qu’est la pédagogie différenciée, je comparerais le système scolaire à un sentier de montagne, chaque enseignant ayant pour mission de guider ses élèves sur une portion du parcours. Sur la ligne de départ, tout pédagogue se préoccupe en premier lieu de ses élèves : il s’intéresse à ce qu’ils savent déjà, à leurs intérêts et leurs difficultés car il sait que les nouvelles connaissances ne se construiront que sur des bases solides.
Mais très vite, les impératifs du programme vont reléguer les enfants au second plan, car à une date précise, un collègue prendra en charge les élèves pour l’étape suivante ; et chaque apprenant devra alors posséder les connaissances requises. Pour ne pas manquer ce rendez-vous, l’enseignant doit imprimer une vitesse de progression à sa classe. Qui a pratiqué la course à pied sait les conséquences d’une imperceptible accélération pour ceux qui sont déjà à la limite de leurs possibilités: essoufflement, décrochage, abandon.
Se pose alors le problème de l’échec scolaire et du redoublement qui est une mesure qui revient à dire l’enfant: " Redescends au pied de la montagne, tu recommenceras l’ascension avec le groupe qui démarre en septembre. "
Quand on sait que le principal facteur de motivation c’est l’estime de soi, on imagine les conséquences néfastes d’une telle mesure qui dévalorise la partie du chemin déjà accomplie. Sans compter que cette progression standardisée pénalise autant les élèves rapides que les lents. Comme le dit Samuel Roller, " L’école a inventé l’échec scolaire ".